Le mercure a été employé dans de nombreux domaines de la vie courante, dans les thermomètres, baromètres, piles, amalgames dentaires, lampes fluorescentes…Toutefois, ces applications ont disparu en grande partie du fait de la toxicité du mercure. En effet, sa vapeur, toxique, est libérée par les surfaces libres du liquide et, en milieu aquatique, il se transforme en méthylmercure, liposoluble, qui contamine l’ensemble de la chaine alimentaire, du plancton aux poissons et à l’homme. La chimie européenne a ainsi converti, fin 2017, l’ensemble de ses unités de production de dichlore à l’aide de cellules d’électrolyse à cathode de mercure.
Numéro atomique | Masse atomique | Configuration électronique | Structure cristalline | Rayon métallique pour la coordinence 12 |
80 | 200,6 g.mol-1 | [Xe] 4f14 5d10 6s2 | rhomboédrique de paramètres a = 0,2993 nm et angle alpha = 70°44,6′ | 157,3 pm |
Masse volumique | Pression de vapeur | Température de fusion | Température d’ébullition | Conductibilité électrique | Conductibilité thermique | Solubilité dans l’eau |
13,5939 g.cm-3 |
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-38,87°C | 356,58°C | 1,04.106 S.m-1 | 8,34 W.m-1.K-1 | insoluble |
Électronégativité de Pauling | pKa : Hg2+2aq/Hg2OH+aq | pKa : Hg2+aq/HgOH+aq | pKs : Hg(SCN)2 | pKs : Hg2(OH)2 | pKs : HgS | pKs : Hg2Cl | pKs : Hg2Br | pKs : Hg2I | pKs : Hg2(CrO4)2 | pKs : Hg2(SO4)2 | pKs : Hg(OH)2 |
2,00 | 5 | 2,7 | 19,5 | 23 | 52,4 | 17,9 | 22,2 | 28,3 | 8,7 | 6,3 | 25,5 |
Potentiels standards :
HgO(s) + H2O + 2e = Hg(I) + 2OH– | E° = 0,098 V |
HgO(s) + 2H+ + 2e = Hg(I) + H2O | E° = 0,926 V |
2Hg2+ + 2e = Hg22+ | E° = 0,907 V |
Hg22++ 2e = 2Hg(I) | E° = 0,792 V |
Mercure liquide :
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Mercure gazeux :
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La teneur moyenne de l’écorce terrestre est de 0,05 ppm.
Minerai : le principal minerai est le cinabre, sulfure de mercure, HgS. Les minerais exploités contiennent de 0,5 à 5 % de Hg.
Par ailleurs, du mercure est souvent présent dans les gisements de zinc, plomb, cuivre, argent et or.
Le district minier d’Almadén, situé près de Ciudad Real, en Espagne, est la plus grande concentration de mercure du monde. Exploité sans interruption depuis la Préhistoire, il a produit plus de 9 millions de potiches (soit plus de 300 000 t métal), ce qui représente un tiers de la production de la planète. La teneur en mercure était de 20 à 30 % à la fin du XIXème siècle, elle est de moins de 2 % actuellement. En 2003, l’exploitation minière a été fermée. Les mines ont en stock des quantités importantes de mercure et pourraient servir de lieu de stockage pour le mercure récupéré.
Principale mines de mercure dans le monde, avec la production totale, jusqu’en 2005. Ces mines ont toutes fermé.
Almaden (Espagne) | 313 087 | New Almaden (États-Unis) | 37 950 | |
Idria (Slovénie) | 147 000 | Nikitovka (Ukraine) | 30 015 | |
Monte Amiata (Italie) | 69 000 | New Idria (États-Unis) | 20 700 | |
Huancavelica (Pérou) | 51 750 | Mc Dermitt (États-Unis) | 13 800 |
Source : Ecomines, avril 2005.
La mine Mc Dermitt, dans le Nevada, aux États-Unis, est la dernière mine ayant été en activité dans ce pays. Elle a fermé en 1992.
Situation française : il n’y a pas de mine présentant un intérêt économique. Seul un gisement, situé à La Chapelle en Juger (50), a été exploité entre 1730 et 1742 pour fournir environ 2 t de mercure.
Minéralurgie : la concentration du minerai est principalement effectuée par flottation.
Exclusivement par pyrométallurgie avec le grillage du minerai, à l’air, vers 700°C :
HgS + O2(g) = Hg(g) + SO2(g)
Par exemple à Almaden, le gaz de grillage qui contenait de 3,7 à 4,5 g de Hg/m3 circulait dans des batteries de tubes refroidis à l’eau afin de condenser le mercure recueilli dans des « suies » ayant la composition moyenne suivante : Hg : 79 %, eau : 15 %, HgS : 1 %, HgO : 0,1 % avec 4,9 % de poussières diverses. Les suies étaient traitées par divers procédés : amalgamation avec de l’aluminium, entraînement à la vapeur…
Le mercure est purifié par distillation sous vide. Le lavage avec de l’acide nitrique est proscrit car il entraîne une pollution des effluents qui sont le plus souvent rejetés.
Production minière de mercure, en 2023 : monde : 1200 t.
Chine | 1 000 | Norvège | 20 | |
Tadjikistan | 170 | Kirghizistan | 6 | |
Pérou (exportations) | 30 | Maroc | 2 |
Source : USGS
La production du Pérou proviennent de l’extraction de minerais de cuivre, d’argent ou d’or. Aux États-Unis, une production non quantifiée provient des mines d’or et d’argent du Nevada.
Le maximum de la production mondiale a été atteint en 1970, avec 10 000 t.
Conditionnement : en potiches de 34,5 kg net.
Récupération du mercure lors de diverses métallurgies : le mercure est parfois associé à divers minerais sulfurés, par exemple la blende (les concentrés de zinc contiennent de 5 à 350 ppm de Hg). De même, le mercure est souvent présent dans les gisements d’or et d’argent.
Métallurgie de l’or et de l’argent : lors du traitement du minerai par cyanuration, le mercure se comporte comme l’or et l’argent et se retrouve, après électrolyse, avec ces éléments, sur la cathode (voir le chapitre consacré à l’or). Avant fusion de la cathode et obtention du « doré », le mercure est éliminé et récupéré par distillation puis condensation dans des retortes maintenues sous vide.
Métallurgie du zinc : lors du grillage des concentrés miniers (voir le chapitre consacré au zinc), le mercure se retrouve à l’état de vapeur avec le dioxyde de soufre. Afin d’éliminer le mercure, le procédé Norzink est le plus employé. Il consiste à fixer le mercure dans une solution de chlorure mercurique selon la réaction :
Hg°(g) + (Hg2+ + 2 Cl–) = Hg2Cl2
Une partie du chlorure mercureux est oxydé par le dichlore afin de régénérer, en solution aqueuse, le chlorure mercurique, selon la réaction :
Hg2Cl2 + Cl2 = 2 (Hg2+ + 2 Cl–)
Après traitement, le gaz contient moins de 0,05 mg de Hg/m3. Le mercure peut être récupéré par électrolyse de la solution de chlorure mercurique. Le mercure ainsi récupéré représente plusieurs centaines de tonnes par an dans le monde.
D’autres procédés de récupération du mercure sont employés. Ils consistent à traiter les gaz issus du grillage par :
Actuellement, le mercure contenu dans divers déchets est récupéré mais plutôt stocké que recyclé.
En France, la société META Régénération, société du groupe Aurea, à Château-Arnoux-Saint-Auban (04), récupère le mercure des déchets industriels et domestiques (thermomètres, amalgames dentaires…) et traite les sols pollués au mercure.
En France, Euro Dieuze Industries (SARPI, groupe Veolia), à Dieuze (57) a une capacité annuelle traitement de 3 000 t de piles. Le traitement est réalisé par hydrométallurgie à l’acide sulfurique.
Aux États-Unis, la société Thermostat Recycling Corp., à Rosslyn, Virginie, a traité de 1998 à 2020, 2,7 millions de thermostats contenant au total 11,8 t de mercure. Dans ce pays, les thermostats contenaient de 2,5 à 10 g de mercure par appareil.
Pas de mines ni de métallurgique de 1ère fusion.
Consommation : en 2015, la consommation mondiale est estimée à 2 000 t/an.
Secteurs d’utilisation : en 2014, environ 50 % de la consommation mondiale est employée comme catalyseur, en Chine, sous forme de chlorure mercurique, pour la production de chlorure de vinyle monomère par réaction entre l’acétylène et HCl. En 2009, dans ce pays, 94 des 104 usines de production de chlorure de vinyle utilisaient cette méthode de production. En 2012, avec une production de 10 millions de t de PVC, la consommation chinoise était de 800 t de mercure. Ce procédé n’est plus employé ailleurs.
Ce mercure stocké dans les sites de production de dichlore est sous forme liquide et est donc susceptible d’émettre de la vapeur de mercure particulièrement toxique. Divers projets sont en cours de développement pour transformer ce mercure liquide en forme solide, non émettrice de vapeur, en général en sulfure, le cinabre. Par exemple, la société Batrec, du groupe Véolia, à Wimmis, en Suisse, possède une capacité de traitement de 1 200 t/an, avec l’ajout de soufre dans le mercure liquide, dans 3 réacteurs et après réaction récupère le cinabre dans un filtre-presse, puis le stocke dans les mines souterraines de potasse allemandes de Herfa-Neurode, en Hesse, du groupe K+S.
Sources naturelles :
Sources anthropiques :
En 2015, les émissions, dans l’air, de mercure liées aux activités humaines sont estimées à 2 224 t, avec la répartition suivante pour les principales :
Orpaillage | 38 % | Traitement de déchets | 7,3 % | |
Combustion du charbon | 21 % | Production industrielle d’or | 3,8 % | |
Production de ciment | 10 % | Production de PVC | 2,6 % | |
Élaboration de métaux non ferreux | 10 % | Combustion de biomasse | 2,3 % |
Parmi les combustibles fossiles, le charbon représente l’essentiel des émissions (21 %), le pétrole et le gaz naturel 0,3 %. Les émissions, aux États-Unis, provenant de la combustion du charbon sont, en 2010, de 27 t. Le pétrole brut contient environ 3,5 ppm de mercure.
On estime, en France, que les rejets dans l’environnement par les cabinets dentaires seraient de 4 à 8 t/an de mercure. Chaque année, dans le monde, 3,8 t de mercure provenant des amalgames dentaires sont rejetées dans l’atmosphère par les crémations.
Les émissions industrielles sont principalement liées aux industries des ciments (le calcaire contient de 0,02 à 2,3 ppm de mercure) et du dichlore. Par exemple, en 2013, la quantité de mercure présente dans les produits (dichlore, NaOH et dihydrogène) fournis par les usines françaises, est comprise, selon les usines de production, entre 0,15 et 0,01 g/t de capacité de dichlore, entre 0,25 et 0,00 g/t de capacité de dichlore dans l’eau et entre 0,80 et 0,51 g/t de capacité de dichlore dans l’atmosphère. En Europe, en moyenne, les émissions totales de mercure (produits, eau et air) sont, en 2016, de 0,68 g de Hg/t de Cl2, soit 1,4 t de mercure, elles étaient de 2,60 g de Hg/t de Cl2, en 1995. Il faut noter que les émissions de l’industrie du chlore représentent, en 2015, 0,68 % des émissions globales de mercure dans l’air. L’abandon total de l’exploitation des cellules à cathode de mercure destinées à produire du dichlore a eu lieu, en Europe, en 2018.
Les émissions liées aux activités humaines proviendraient, en 2015, à 38,6 % d’Asie de l’Est et du Sud-Est, 18,4 % d’Amérique du Sud, 16,2 % d’Afrique, 10,1 % d’Asie du Sud, 5,6 % de Russie et d’Asie Centrale, 3,5 % de l’Union européenne, 1,8 % d’Amérique du Nord. Les émissions d’Amérique du Sud et d’Afrique proviennent principalement des activités artisanales d’orpaillage.
En France, en 2019, les émissions ont été de 2,9 t, elles étaient de 25 t en 1991. Origine des émissions de mercure, en France, en 2018 :
Industrie manufacturière | 47 % | Résidentiel, tertiaire | 9 % | |
Transformation de l’énergie | 23 % | Transports | 4 % | |
Traitement des déchets | 15 % | Agriculture | 2 % |
En octobre 2013, a été adoptée la Convention de Minamata sur le mercure destinée à limiter ses rejets dans l’environnement. Elle prévoit, en particulier, l’abandon de toute production de dichlore à l’aide d’une électrolyse à cathode de mercure, en 2025, l’abandon de la fabrication de baromètres et thermomètres contenant du mercure, en 2020, l’abandon de la fabrication d’acétaldéhyde utilisant des catalyseurs à base de mercure, en 2018.
La toxicité du mercure dépend étroitement de sa forme chimique et de son état physique. Il est particulièrement toxique sous forme :
Dans le cas de l’intoxication de la baie de Minamata au Japon, des rejets de méthylmercure ont été accumulés par les poissons consommés par les habitants de la baie (en 1956 : 549 victimes, en 1965 : 119 victimes et au total 1200 morts). Le mercure, sous forme d’oxyde, était utilisé par l’usine Chisso comme catalyseur dans la production d’acétaldéhyde. Au total, entre 1932 et 1968, 81 t de mercure ont été rejetées dans la baie.
Autres intoxications : à Niigata (Japon) avec une pollution industrielle, en Irak avec la consommation humaine de grains de céréales traités par des composés organiques du mercure.